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SOUVENIRS DES BARRICADES

 Le 24 janvier 1960, je n’étais pas à Alger, mais à Bayonne où j’ai appris les événements des Barricades par la Préfecture. Je souhaitais rentrer le jour même, mais je n’ai pu avoir un avion que le lendemain. Dès mon arrivée à Maison Blanche, des envoyés de joseph Ortiz m’attendaient pour me conduire au P.C. de ce dernier. Monsieur Ortiz  m’a demandé quelle était la position  de la casbah sur le dilemme en cours. J’ai répondu que la Casbah avait déjà prouvé ses sentiments envers la France, ne serait-ce que par l’élection du partisan notoire de l’Algérie Française, que j’étais, à sa tête.

Pierre Lagaillarde ayant, aussi, exprimé le désir de me rencontrer, je suis allé le voir au camp retranché des Facultés. Il m’a proposé de monter dans la Casbah pour faire descendre les musulmans, vers les Barricades. Je m’y suis opposé, craignant que des provocateurs se mêlent à la manifestation dans le seul but de desservir notre cause. Il m’a, ensuite demandé de faire un discours sur le balcon du P.C. Ortiz puis les organisateurs m’ont fait part de la pénurie de nourriture du camp retranché. J’ai appelé Monsieur Baldo à la Mairie et, sur mon insistance, deux camions de victuailles ont été livrés dans l’heure. Le lendemain, Monsieur Ortiz m’a chargé d’une mission auprès du Général Gracieux que j’ai pu accomplir, au mieux, puisque le Général Gracieux m’a laissé entendre qu’il était militaire, avant tout, mais qu’il épousait, complètement, la cause de l’Algérie Française.

Malheureusement, les interventions de toutes sortes dont celles de Michel Debré, l’hostilité de la Métropole et l’attitude impitoyable du Chef de l’état, ont eu, peu à peu, raison des intentions louables des militaires français et les patriotes n’ont plus eu qu’une seule issue, celle de la reddition.

Le comité d’administration du F.N.F. s’est réuni, en ma présence, au P.C. Ortiz afin d’adopter une décision finale pour sortir de la crise. Ne faisant pas partie de ce mouvement, j’ai proposé de me retirer, mais Monsieur Ortiz m’a prié de rester, assurant que mes sentiments et ma participation me donnaient le droit de prendre part à la discussion.

J’ai, donc, assisté à cette réunion, attentif aux propos de chacun. Pierre Lagaillarde a indiqué qu’il se rendrait, en acceptant les propositions qui lui avaient été faites et certains l’ont suivi. Joseph Ortiz, à ce moment-là, s’est retourné vers moi et m’a demandé ce que j’en pensais. J’ai répondu que, ne faisant pas parte du bureau, je ne pouvais, en rien, peser sur la décision de celui-ci, mais que s’il était le dernier à résister, dans ce camp retranché, je resterai à ses côtés.

Joseph Ortiz s’est laissé convaincre d’entrer en clandestinité pour servir, encore, la cause de l’Algérie Française. Sa reddition aurait abouti à son exécution, il le savait parfaitement. C’est pourquoi, il a choisi - et ce fut un choix difficile - de quitter sa famille, ses affaires, pour lutter, encore et défendre sa terre. I l a quitté les Barricades pou entrer en résistance, une résistance d’où devait sortir, un jour, l’O.A.S.

A cause de ma participation aux Barricades, j’ai été suspendu de mes fonctions de Maire.

J’ai contesté cette décision arbitraire devant les Tribunaux Administratifs qui ont reconnu que je n’avais commis aucune infraction aux lois de 1889 mais, devant l’article 16 de la Constitution, mis en vigueur par le Chef de  l’état pour justifier tous les abus, ils se sont déclarés incompétents.

Par la suite, malgré les pressions et les menaces des représentants du Gouvernement, je me suis présenté au Conseil Général et j’ai été réélu avec cinq fois plus de voix que la première fois. Ma profession de foi était, pourtant, bien simple : « liste pour l’Algérie Française, tout pour l’Algérie Française, rien sans l’Algérie Française » et elle prouve assez bien l’état d’esprit des musulmans à l’époque.

Le découpage, ordonné en haut lieu, avait été atroce, mais j’ai battu, même les Maires gaullistes, comme Monsieur Bucaille, sur leur propre terrain.

Par la suite, j’ai appris que la suspension de mes fonctions de Maire était due à la dénonciation d’un de mes amis du Conseil Municipal qui m’avait accusé, auprès des élus municipaux, d’être l’un des principaux responsables des événements des Barricades.

Comme l’ont chanté les Paras, je ne regrette rien, ni la trahison, ni le limogeage, ni les sanctions et surtout pas l’engagement qui reste le même, trente-sept ans après pour défendre notre noble cause et réhabiliter l’Histoire.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Joseph HATTAB-PACHA