bannière 2022 

AIMER LA FRANCE

 Il y a quelques années, une de mes parentes, revenant d’Amérique, m’avait rapporté un confortable pull-over sur lequel était brodé la maxime suivante « América live or alive ».

La signification exacte de ces mots m’échappant, c’est la donatrice qui me l’a traduite ainsi : « Aimez l’Amérique ou quittez-la ».

Je me garderai bien de reprendre, à mon compte et au sujet de mon pays un tel principe, de peur d’être immédiatement accusée de xénophobie, mais je ne résiste pas à l’envie de vous expliquer ce que cela signifie pour moi, Pieds-Noirs de la quatrième génération et ce que cela a impliqué, concrètement, pour les pionniers que furent mes aïeux d’AIMER LA FRANCE.

AIMER LA FRANCE, cela signifiait, pour les premiers promoteurs de l’Algérie, être et rester, sur cette nouvelle terre, Français d’abord, au sens le plus large, le plus concret et le plus noble de ce mot.

AIMER LA FRANCE, c’était l’apporter, à la semelle de ses souliers en propageant ses valeurs et ses vertus et en accomplissant, chaque jour, dans les tâches les plus modestes, son devoir de Français.

AIMER LA FRANCE, c’était tendre la main, en son nom, c’était soigner, éduquer, comprendre ceux qui vivaient, encore, au Moyen Âge, c’était remplacer la barbarie par l’humanité, les luttes tribales par la fraternité, le désordre par la paix.

AIMER LA FRANCE, c’était travailler d’un cœur vaillant et ferme pour défricher, assainir, construire, ou plutôt reconstruire cette Algérie qui, avant nous, avait accueilli et retenu tant de peuples aventureux ou colonisateurs, afin que nous, Français, devenions les meilleurs artisans de sa prospérité.

Ma chronique est bien trop restreinte pour y développer les miracles d’habileté, les trésors de courage, les réserves infinies de patience déployées par nos ancêtres pour faire assister nos générations au prodigieux essor de l’Algérie Française nous nous pouvions imaginer autrement que bénie des Cieux.

Et grâce à ceux qui avaient créé cette Algérie prospère que le monde entier nous enviait, grâce à la ténacité de ceux qui ont fondé cette Algérie familière, cette Algérie quotidienne si semblable à la « douce France » sur la terre de laquelle nous sommes nés, nous avons vécu, nous nous sommes enracinés, nous avons laissé tant de parcelles de nous-mêmes, en AIMANT L’ALGÉRIE, NOUS AIMIONS LA FRANCE.

AIMER LA FRANCE, c’était laisser croître en nous une âme nouvelle, originale vivifiante qui mêlait les traditions et l’expérience de la France séculaire à la jeunesse ardente et enthousiaste de cette nouvelle France.

AIMER LA FRANCE, c’était se plaire à la contempler sous tous ses aspects, c’était se griser de son pittoresque et de ses lumières, c’était entendre chanter l’âme de cette terre à la fois ancestrale et si jeune.

AIMER LA FRANCE, c’était écouter les voix qui sourdaient de toutes parts et restaient dans le vacarme ou dans le murmure, délicieusement maternelles à nos oreilles.

Harcèlement de la Méditerranée courroucé en hivers, lames plaintives des plages d’été, toutes ces voix et les silences expressifs des grands pays muets de l’autre côté de l’Atlas, nous donnaient la sensation d’être bien, chez nous, de sentir notre être s’y épanouir, notre âme y fructifier, notre cœur y devenir meilleur.

C’est ainsi que nous aimions notre pays, l’Algérie et si nous le quittions parfois, le temps d’un voyage ou pour défendre la Patrie en danger, nous bondissions de joie, comme des enfants, en retrouvant ses rives.

Aujourd’hui, AIMER LA FRANCE n’a plus le même sens et nous vibrons douloureusement en entendant prononcer le nom de notre terre, abandonnée au loin à des mains sanguinaires. Notre terre qui régresse, qui s’enlise et qui se détruit. L’œuvre de nos ancêtres qu’on dénature, qu’on falsifie, à plaisir, pour justifier les fautes commises par des fous d’orgueil qui croyaient agir au nom de la France, mais qui, bien au contraire, ont entraîné notre Patrie sur la voie de tous les déclins, toutes les déchéances.

FRANCE, pourtant, je t’aime encore. Les misérables, les faussaires, les parjures et les traîtres, qui ont agi ou continuent à agir en usurpant ton nom, sont indignes de te représenter.

Un jour tu réagiras, toi, la Mère Patrie, immuable et éternelle, un jour tu sortiras de la léthargie, dans laquelle des scélérats t’ont plongée, un jour tu mesureras l’immensité de notre œuvre, nos épreuves et nos raisons.

Un jour tu t’élèveras, avec fureur, contre ceux qui ont livrés, abandonnés, condamnés les meilleurs de tes fils et tu flétriras ceux qui les ont, ainsi, stigmatisés.

Un jour, tu te relèveras, tu retrouveras les valeurs qui firent ta gloire.

Et ce jour-là, où que je sois, je saurai que j’ai eu raison, encore et toujours, malgré les épreuves des miens, de t’avoir aimé et de t’aimer encore plus que le sol natal où j’ai laissé mon âme, toi, France, berceau de mes ancêtres, source de ma culture, fille aînée de mon église, toi, MA FRANCE !

                                                                                                                                                         Anne CAZAL