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Crime de Lèse Majesté

Depuis hier, la radio et la télévision nous annoncent, avec beaucoup d’émotion, voire d’attendrissement, l’arrivée en France, après une fuite rocambolesque, de la fille du Général Oufkir, qui fut l’un des principaux personnages du Royaume du Maroc avant de fomenter un attentat contre la vie du Roi et d’être « suicidé » d’une rafale dans le dos. Je n’ai aucun commentaire à faire sur ces informations, étant beaucoup trop respectueuse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour oser formuler même un simple avis au sujet d’un peuple étranger et souverain.

Mais la France s’émeut, la France s’apitoie, la France pleure sur le sort d’un homme qui avait commis un crime de lèse-majesté et dont le châtiment a été la mort.

La France est inconsciente, la France est amnésique. Qu’avons-nous fait de plus après l’attentat du Petit Clamart 

Quel a été le sort réservé au Colonel Jean-Marie Bastien Thiry, instigateur du complot ? L’a-t-on emprisonné à vie ?  A-t-on réduit sa peine parce que la conspiration avait échouée ? Lui a-t-on trouvé des circonstances atténuantes ?

Non, au petit matin, dans les fossés du fort d’Ivry, ce jeune idéaliste au profil de médaille, s’est écroulé le corps transpercé des douze balles réglementaires pour crime de lèse-majesté.

Que retiendra l’Histoire ? Lui accordera-t-elle les circonstances atténuantes que lui a refusées la raison d’État ?

Il en avait, pourtant, beaucoup. Il les avait expliqués lors de son procès : Les engagements solennels du Général De Gaulle après le 13 mai n’étaient qu’un parjure pour conserver et affermir un pouvoir auquel il tenait, par-dessus tout.

Les carences de ce même pouvoir qui, après avoir livré à l’ennemi vaincu une partie du territoire national, a laissé commettre des milliers d’enlèvements et d’assassinats de ressortissants français.

L’impardonnable trahison commise à l’encontre des Français musulmans et des Harkis, soldats de France abandonnés aux mains des égorgeurs qui se sont rendus coupables d’un véritable génocide.

Tout cela n’a pas soulevé, en France, pays des droits de l’homme, la moindre indignation.

On s’émeut, aujourd’hui, des années d’emprisonnement dont a été victime, au Maroc, la famille du Général Oufkir (Par expérience personnelle, je compatis à la privation de liberté des innocents) mais on a oublié, depuis longtemps, les quelque TROIS MILLE victimes françaises réduites en esclavage depuis 1962 dont certaines, exceptionnellement résistantes, pourraient être encore en vie et les CENT CINQUANTE MILLE (et sûrement plus !) Français-musulmans, massacrés parce qu’ils étaient coupables d’aimer la France.

Un ancien soldat français se souvenait, devant moi, il y a quelque temps. Il était à Heckmül, quartier d’Oran. On avait fermé les grilles de la caserne à l’aide de chaînes et lui, le planton, on lui avait retiré ses munitions.

Il a vu arriver les Français affolés qui s’accrochaient aux grilles et l’insultaient de ne pas ouvrir puis il a aperçu les assassins. Il a regardé, impuissant, briller les larmes et gicler le sang des égorgés.

Alors, seulement, il a fermé les yeux sur ses larmes brûlantes.

Depuis, m’a-t-il dit, il revoit cette scène, toutes les nuits.

Mais, à l’époque, il ne fallait pas en parler. Le silence était de rigueur. Ce n’est pas seulement, le Colonel Jean BASTIEN-THIRY qui fut exécuté au fort d’Ivry, c'est, aussi, LA VÉRITÉ.

Le drapeau tricolore, qui servit de linceul au Colonel, garde, encore, les empreintes du sang de ce juste et reste un emblème : celui du martyre de milliers de Français et de musulmans, morts au nom de la légitime défense des opprimés.

Lorsque les forces du mal sont déchaînées, nul ne sait à quel point elles peuvent bouleverser les âmes et aveugler les consciences.

France, ces événements se sont passés, il n’y a pas si longtemps, il y a, seulement, trente-quatre ans.

France, arrache tes œillères et regarde, bien en face, ce que toi, peuple si bien pensant, tu as laissé faire !

France, je t’en supplie, retrouve la mémoire !

                                                                                                                                                              Anne CAZAL